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Mes villages par la presse
25 septembre 2022

1885 un Confolentais au Tonkin - la retraite du Lang-Son

CONFOLENS

 

1885

  

28/06/1885 ( le journal de Confolens)

Nous reproduisons ci-après une lettre d’un de nos jeunes compatriotes, soldat à l’expédition du Tonkin, qui raconte à ses parents les faits qui se sont passés lors de la retraite de Lang-Son. Cette lettre écrite sur les lieux au courant de la plume nous a paru intéressante à plus d’un titre ; elle est partie du Tonkin le 26 avril et arrivée à Confolens le 21 juin.

 

Le Kep, le 20 avril 1885

Chers Parents,

 

Je vous écris ces quelques mots pour vous donner de mes nouvelles et pour vous dire que je me porte bien pour le moment : je désire que ma lettre vous trouve également en bonne santé.

Depuis que nous somme au Tonkin, nous nous sommes battus tout le temps ; nous avons été le 22 mars en Chine ; le général de Négrier voulait entrer en Chine pour prendre les forts. Nous sommes partis de Lang-Son le matin et nous sommes arrivés à Dong-Song dans l’après-midi ; nous avions commencé par prendre les forts car Dong-Song se trouve sur la frontière de Chine. Alors le général dit qu’il fallait rentrer en Chine. Nous partîmes le soir et nous arrivâmes dans la nuit à la porte de Chine ; nous étions environ 1200 hommes. Nous fîmes sauter la porte et là nous trouvâmes toutes sortes d’armes et de munitions, car la Chine est entourée tout le tour de murailles ; nous fîmes brûler toutes leurs munitions et nous cassâmes leurs fusils et enclouâmes leurs canons, car nous ne pouvons pas nous servir de leurs munitions parce que leurs armes ne sont pas la même chose que les nôtres. Ce sont des fusils qui viennent de Prusse, de Belgique et d’Angleterre. Le lendemain nous devions faire sauter huit de leurs forts lorsqu’ils vinrent sur nous au nombre de 80.000 hommes et commencèrent par nous cerner. Nous nous battîmes toute la journée corps à corps ; les Chinois se battaient avec des coupe-coupe ; Les coupe-coupe sont des couteaux qui ont un mètre de long sur dix centimètres de large ; c’était horrible de voir 1.200 hommes contre 80.000 ; le sang couvrait les rizières ; nous nous battions comme des forcenés car l’on n’était pas des hommes, l’on était des tigres ; car quand on voyait ses camarades avec des jambes et des bras de mois, il y en avait qui avaient les épaules entièrement détachées du corps par les coups de coupe-coupe que les Chinois leur avaient donnés ; nous marchions toujours en avant à la baïonnette pour pouvoir sauver nos blessés, car si on recule avec le Chinois, les blessés sont perdus. Le soir, sur les 1200 hommes nous ne restions plus que 300 qui pouvaient se battre car tous les autres étaient morts ou blessés ; il vint un ordre de battre en retraite, car la nuit ils auraient fini de nous abîmer ; rester 300 hommes contre une masse pareille si nous ne battions en retraire nous étions perdus ; nous emmenâmes les blessés que nous pûmes avec nous autres ; nous laissâmes tous nos sacs pour pouvoir emmener nos blessés et il resta environ 150 entre les mains des Chinois que nous ne pûmes pas sauver car nous en emmenions au moins 350 avec le petit nombre d’hommes que nous étions ; les Chinois nous prirent les autres et leur coupèrent le cou.

C’était bien triste de voir ces malheureux qui nous criaient de les sauver. Nous en sauvions bien le plus que nous pouvions mais nous ne pûmes réussir à tous les avoir. Nous arrivâmes à Lang-Son dans la nuit ; on arrivait deux ou trois ensemble avec un ou deux blessés que l’on traînait comme on pouvait, car il y avait deux ou trois jours que l’on avait mangé qu’un biscuit et l’on était exténué de fatigue.

Le 28 ils vinrent nous attaquer à Lang-Son croyant en faire autant mais ils se trompèrent. On se battit de cinq heures du matin à 9 heures du soir et ce jour là ils perdirent au moins 10.000 hommes, (ils en avaient perdu autant à Dong-Song) toute la journée les canons ne firent que tirer des boîtes à mitraille sur eux,ça les couchait dans le rizières comme la faux du moissonneur fauche les épis ; nous faisions des feux de pelotons sur eux, avec le restant du 111e et du 143; ce jour là nos pertes furent très faibles ; nous eûmes 7 ou 8 blessés, ce n’était plus le coup de la porte de Chine.

Nous nous apprêtions à leur faire subir encore d’autres pertes lorsque, le soir, il arriva une dépêche qui donnait l’ordre d’évacuer Lang-Son et de battre en retraite jusqu’au Kep, car il n’y avait plus de munitions ni de vivres dans la citadelles ; c’était malheureux car nous avions une belle position, nous étions dans des forts qui étaient imprenables aux Chinois si l’on avait eu des munitions. Je vous assure que ça nous faisait de la peine d’abandonner une place qui nous avait donné tant de peine à prendre. Nous partîmes le soir à neuf heures et l’on marcha toute la nuit ; le lendemain soir nous arrivions à Ha-Noï, les Chinois nous ayant attaqué nous nous battîmes toute la nuit et le lendemain nous continuâmes notre route sur le Kep où nous attendaient des renforts, nous y arrivâmes le soir

exténués de fatigue. Nous nous sommes reposés quelques jours et le 13 avril les Chinois recommencèrent à essayer de prendre le fort du Kep, on les repoussa et le lendemain ils disparurent.

carte

1885 - CaptureOf Lang-Son

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Commentaires
D
Je démarre un blog généraliste basé sur la photo et un peu tout. J'aime l'histoire des familles et ce courrier magistrale. Heureusement qu'il n'y a pas de photo de chantier là non de non !!!! La guerre n'est jamais marrant mais là alors !!! Mon blog est basé sur la photo et la découverte, merci de venir faire une petite visite. Bien cordialement !!! C.M.
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D
des combats narrés dans le détail, une boucherie !!!
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